Si le principe de l’obligation de délivrance est expressément posé par les articles 1719 et 1720 du Code Civil, son contenu et ses contours ont été définis par les décisions de la Cour de Cassation.
L’article 1719 dispose en effet que le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de bail commercial et sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.
L’article 1720 précise, quant à lui, que le bailleur doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives.
Dès lors, sauf cas exceptionnels, il n’est pas possible pour ce dernier de s’y soustraire dans la mesure où cette obligation permet la réalisation de la finalité du bail commercial et l’exercice pour le locataire de son droit de jouissance.
Travaux de mise aux normes et mise en conformité pour l’activité autorisée
Si ces travaux sont indispensables dès l’entrée du locataire dans les lieux, il incombe au bailleur de les réaliser à ses frais en exécution de son obligation de délivrance.
Dans plusieurs affaires, la Cour de Cassation a précisé, notamment en matière de restauration et/ou cafés-hôtels, que la clause par laquelle le locataire prend les lieux en l’état où ils se trouvent, ne décharge pas le bailleur de son obligation de délivrance (Cass. Civ. 3ème, 5 juin 2002, n°00-19037, Cass. Civ. 3ème, 3 mai 2011 n° 10-15662 ; Cass. Civ. 3ème, 14 février 2012 n°11-10243).
Plus encore, dans une affaire récente où le bailleur contestait la réalisation par le preneur d’un conduit d’extraction sans autorisation, la Cour de Cassation a rappelé que « le bailleur était tenu dès l’origine du bail de délivrer à sa locataire un local conforme à sa destination contractuelle de restaurant, ce qui supposait l’installation d’un conduit d’évacuation des vapeurs et fumées » (Cass. Civ. 3ème, 12 octobre 2023, n°22-16175).
Le transfert de cette obligation sur le locataire est souvent inefficace en cas de contentieux sauf lorsqu’il concerne les mises aux normes qui interviendraient en cours de bail. Ainsi si les travaux ordonnés par l’administration sont devenus nécessaires en raison de l’utilisation que le locataire a faite des locaux et des installations, ils ne pèsent plus sur le bailleur (Cass. Civ 3ème, 28 mai 2003, n°01-16992).
Obligation de délivrance et règles d’urbanisme
La location d’un bien immobilier édifié sans permis de construire constitue un défaut de conformité justifiant un manquement du bailleur à son obligation de délivrance.
Tel est le principe rappelé par la Cour de Cassation dans un arrêt du 1er juin 2022 qui précise que pour satisfaire son obligation de délivrance, le bailleur doit délivrer un local ayant une destination contractuelle conforme aux règles d’urbanisme en vigueur.
Elle censure ainsi la décision des juges du fond qui avaient rejeté la demande du locataire en résolution du bail, au motif que ce dernier exploitait le bail litigieux, conformément à sa destination de commerce de pizzas à emporter, depuis la signature du bail, et que l’absence de régularité de la situation administrative du local n’avait pas d’incidence directe sur l’exploitation du fonds de commerce et ne pouvait légitimer le non-paiement des loyers (Cass. Civ. 3ème, 1er juin 2022, n°21-11602).
Une attention toute particulière devra être portée lors de la rédaction des clauses du bail commercial.
Pour toute question, Maître Caroline MREJEN-BERREBY, Avocat en droit commercial, se tient à votre disposition et se fera un plaisir de vous accueillir au cabinet.